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Interview Christian Louboutin

C’est une première pour le célèbre créateur de souliers Christian Louboutin : le voici directeur artistique de quatre nouveaux tableaux au Crazy Horse, imaginés avec l’aide de ses amis Swiss Beatz et David Lynch pour la musique. Un tournant sulfureux ? Naturel, plutôt… Explications…

Vous étiez déjà créateur de souliers pour le Crazy Horse. Pourquoi aller plus loin ?

Christian Louboutin : L’histoire avait commencé avec Dita Von Teese, que je connais bien. Lorsqu’elle avait fait un “guest” pour le Crazy Horse, elle m’avait demandé de créer ses souliers comme je le fais pour tous ses spectacles, et même pour son mariage. J’ai continué en créant ceux d’Arielle Dombasle, que je connais aussi, puis ceux de Pamela Anderson. J’avais aussi travaillé sur l’exposition “Fetish” de David Lynch, avec deux filles du Crazy. La directrice, voyant mon implication, m’a proposé cette aventure. Moi qui ai plutôt tendance à refuser les propositions, là, je ne me suis même pas posé la question.

Comment avez-vous procédé pour construire les tableaux ?

Mon travail, à l’origine, c’est le soulier. Donc, au fil des quatre tableaux, il y a une progression, on part du pied, de l’expression de la cheville, comme si c’était le bas du corps qui irradiait le haut du corps. De tableau en tableau, le corps se dévoile progressivement, du soulier jusqu’à la femme : et le Soulier créa la femme ! C’est votre projet le plus éloigné de votre métier ? Oui, mais à 17 ans, j’avais travaillé aux Folies Bergère, et j’avais adoré ça. C’est donc un univers qui ne m’est pas totalement étranger..

A quoi ressemblent les tableaux, et qu’est-ce qui les a inspirés ?

C’est très divers, mais il y a toujours une dualité : l’un, entre “West Side Story” et le hip hop, commence avec le côté très militaire et uniforme du Crazy, et tout à coup chaque fille s’exprime avec sa personnalité et sa voix. Un autre, inspiré d’un pénitent de Zurbarán (peintre espagnol du XVIIe siècle, ndlr) et des vanités en général, montre des femmes qui partent de postures très angéliques, et spirituelles, pour arriver à des poses très Crazy. Les autres tableaux jouent, métaphoriquement, avec le feu, et aussi avec la lumière, autre élément très important ici.

Comment avez-vous marié votre univers et celui du Crazy ?

Au Crazy Horse, il y a des codes très précis à respecter, c’est ce qui est intéressant, qui donne sa force au lieu. Par exemple, pour montrer le corps, il y a un rapport visuel, érotique, mais très esthétique. Dans le tableau des vanités, je l’ai gardé, en dévoilant le corps d’abord de manière très anguleuse, pour arriver aux courbes du Crazy. Moi aussi j’ai un univers de courbes, je dessine surtout des ronds, c’était intéressant de partir d’angles pour arriver à ça.

Vos souliers, avec leurs semelles rouges, leurs talons aiguilles, partagent un côté sulfureux avec ce cabaret où les femmes sont nues. Etait-ce une intention de votre part ?

Non, c’est plus naturel que ça. Je fais les choses, puis je vois les conséquences. Vingt ans après avoir lancé ma marque, je me rends compte que mes codes tournent beaucoup autour du sexy, mais voilé. Par exemple, j’adore les souliers très échancrés qui révèlent la naissance des doigts de pied, or aujourd’hui c’est en train de passer dans les moeurs. Pendant des années, j’ai entendu des femmes dire : « C’est épouvantable de voir la naissance des doigts de pied, ça me dégoûte… » C’est drôle, les gens ne se rendent pas compte qu’en disant cela, c’est une vision sexuelle qu’ils refusent… Un pied nu dans une sandale ne les gêne pas, car c’est la suggestion qui dérange. Or la suggestion est aussi très importante pour le cabaret.

L’autre point commun entre vos souliers et le Crazy, c’est le quasi-asservissement du corps de la femme : il est transformé, contraint, on l’étire…

Je trouve que le concept du confort est l’un des plus sinistres que l’on puisse imaginer, il détruit une grande partie de la culture esthétique. Je ne suis pas fou, je ne dis pas que la pratique de l’inconfort est formidable. Mais le confort comme rigidité, c’est fatal, c’est tout le monde en pyjama et en sabots. Je trouve très beau quand les gens ont des postures, et qu’ils ont conscience de leur corps. Les talons, le gilet masculin, la cravate y contribuent. Sans dire non plus que tout le monde devrait être en talons toute la journée, il y a un moment où, de la contrainte, sort quelque chose qui est esthétiquement, et presque moralement, beaucoup mieux. Oui et non… La mode japonaise, par exemple, a proposé des alternatives, travaillé sur la liberté du corps… Moui… Je ne suis pas très impressionné par la mode japonaise. Et puis, chacun sa culture. Par exemple, une façon de se libérer pour les femmes japonaises, c’est de porter souvent des souliers à talons trop grands, parce qu’avant, les souliers étaient trop courts. La libération passe donc par l’inconfort total d’avoir des souliers trop grands !

Vous travaillez souvent avec des artistes, vous êtes ami avec nombre d’entre eux, comme David Lynch. Pourquoi est-ce si important pour vous ?

Ah mince, ça me rappelle que je dois concevoir une scène dans un film de Brian de Palma, parce que dans le scénario, il a imaginé quelque chose qui a à voir avec mon travail… Oui, je rencontre du monde, mais ça ne colle pas non plus à chaque fois. Lynch, par exemple, c’est moi qui l’ai abordé,. Je suis fasciné par les esthètes, les gens chez qui il y a une correspondance esthétique entre plusieurs domaines.

Ils sont rares, et c’est son cas : ne dit-on pas “une couleur lynchienne” ?

Un jour, je vois des photos de son jardin, et je me dis : « C’est évident. » Je suis allé le rencontrer pour ça. Je l’ai revu à Paris, il m’a reconnu, et nous sommes devenus amis. Lorsque j’ai voulu faire des photos de chaussures complètement fétichistes, je lui ai demandé, timidement, et il a tout de suite dit oui, comme pour la musique de l’un des tableaux du spectacle du Crazy.

Ça se passe toujours aussi naturellement ?

Mon père était ébéniste, il parlait peu, mais il m’a dit une chose qui est restée gravée dans ma mémoire : « Dans le bois, il y a un sens, une veine. Si tu sculptes le bois, il faut aller dans ce sens. Si tu vas contre, tu n’auras jamais une jolie sculpture, et dans le meilleur des cas, tu auras des échardes. » Je me dis que c’est le sens de la vie. Quand on travaille avec des artistes, des artisans, pour arriver à faire des choses belles, cohérentes, il faut aller dans le sens des gens. C’est vrai de façon générale dans les rapports humains.

Et alors, le Crazy, ça vous a donné de nouvelles envies ?

Dans l’idée, j’adorerais faire un spectacle, mais c’est vraiment du boulot. Quand les choses demandent du temps, il faut le prendre, et je n’en n’ai pas beaucoup. Donc à voir, mais je suis déjà ravi de cette aventure.

Communiqué de presse de admin |Proposé le 26 avril 2012 |Commenter...

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