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Vente en boutique ou en ligne ?

Ils sont disquaires ou libraires indépendants, envisagent leur métier comme un sacerdoce et mènent leur barque avec passion et détermination malgré les temps difficiles. Portraits de “résistants de la culture” parisiens qui s’interrogent pour nous sur l’avenir de la vente en boutique à l’heure d’internet et des supports dématérialisés.

La chose nous a intrigués : en septembre dernier, rue Rodier dans le 9e arrondissement, un nouveau disquaire au nom plutôt saisissant (Music Fear Satan, spécialisé metal, noise, folk et psyché) organisait sa soirée d’inauguration. On a beau être heureux qu’un nouveau disquaire voie le jour dans la capitale, on ne peut que s’interroger sur la démarche de ce nouvel arrivant au moment où d’autres ferment leurs portes. Inconscience commerciale ou naïveté couplée à un brin d’utopie ? Car ce n’est pas être trop alarmiste que de reconnaître que le marché du disque, comme l’ensemble des industries culturelles, traverse une mauvaise passe. Et encore, c’est une litote. Sinistré bien avant la crise économique de 2008, il se voit confronté à un concurrent de taille avec lequel il va désormais falloir cohabiter : l’internet et ses possibilités excitantes et illimitées, mais aussi ses milliards d’échanges de fichiers, ses sites de streaming, ses boutiques de vente en ligne et son modèle économique principalement basé sur la gratuité. De son côté, le monde du livre s’en sort un peu mieux mais l’apparition des e-books commence à inquiéter les professionnels. La tâche des libraires et disquaires indépendants, qui devaient déjà faire face à la concurrence des mégastores, s’en trouve encore un peu plus ardue. Loin de broyer du noir, ils envisagent l’avenir avec espoir et évoquent ici les raisons qui les ont poussés à se lancer dans l’aventure et la façon dont leur métier se redéfinit progressivement. Deux cents. C’est le nombre de disquaires indépendants qu’il resterait en France. Au début des années 80, ils étaient plus de 3 000. La chute n’a fait que s’intensifier ces dernières années. Entre 2002 et 2008, le chiffre d’affaires du marché du disque a baissé de 53 %. Après l’orage, une accalmie semble cependant se profiler : le nombre de disquaires s’est stabilisé ces derniers mois, et on a même assisté à plusieurs nouvelles ouvertures dans la capitale. « Le magasin a fermé ses portes à la fin des années 90 et a rouvert début 2005 », raconte Patrick, fondateur de Rock Paradise, en nous recevant dans son antre réservé aux amateurs de rock rétro. « Il ne faut pas se mentir, le métier est de plus en plus difficile. Surtout qu’en France, on n’a pas vraiment de culture rock. Un magasin de disques, ça reste une niche pour passionnés. Si j’ai repris la boutique, c’est que je ne sais faire que ça. La musique indé, c’est une culture qu’il faut faire partager. » La faire partager plus seulement en prodiguant des conseils aux clients avides de nouvelles découvertes sonores, mais en allant chercher le public, c’est-à-dire en “animant” régulièrement la boutique à coups de showcases ou dédicaces. En plus de ces événements qui donnent une identité au lieu et fidélisent le public, Patrick croit aux « beaux objets », c’est-à-dire aux bons vieux vinyles (95 % de ses ventes) qu’il préfère aux CD « de mauvaise qualité » et indiscutablement « amenés à disparaître ».

Cette culture du vinyle, Franck, batteur du groupe HushPuppies et créateur de Ground Zero, la partage. Il avoue d’ailleurs tenir grâce à la vente de ces fameuses galettes noires dont on annonçait la disparition il y a vingt ans et qui, curieux paradoxe, représentent désormais l’avenir du disquaire. Avant d’ouvrir sa petite boutique à l’âge de 28 ans, Franck a travaillé chez plusieurs distributeurs musicaux et a constaté qu’il manquait un endroit où trouver de l’indie pop à Paris. Il a donc décidé en 2004 de monter Ground Zero ; un pari risqué qui a rapidement été récompensé par le soutien de nombreux artistes et d’une clientèle certes restreinte mais fidèle. « Nos clients sont des mélomanes avertis, la trentaine en moyenne », explique Julie employée depuis 2005 par Frank qui, lui, ne se paie pas. « Il y a de plus en plus de demandes pour le vinyle. Le son, l’objet, la pochette, ça compte ! » « Si l’objet n’avait pas d’importance pour moi, je ne serais pas disquaire », renchérit Nicolas de Music Fear Satan, pour qui l’ouverture récente de son magasin est « quelque chose de tout à fait naturel ». Pour éviter les risques financiers, Nicolas a préféré procéder par étapes. « Je vivais déjà un peu de la vente par correspondance depuis six ans, mais mon idée initiale était d’ouvrir une boutique. Je n’ai pas pris trop de risques financiers dans la mesure où j’avais déjà du stock. Mon seul objectif pour l’instant, c’est de payer le loyer. » Comme Franck et Julie de Ground Zero, Nicolas entretient des rapports forcement ambigus avec l’internet. Si les premiers jugent le téléchargement utile pour découvrir un artiste mais déplorent que beaucoup considèrent la gratuité comme un droit inné, le second tient un discours relativement neutre sur le média car il n’a pas connu en tant que vendeur « l’âge d’or de la vente de disques des années 90 ». De fait, personne ici n’est manichéen. Tous reconnaissent que la toile a fait beaucoup pour la culture musicale d’une nouvelle génération biberonnée à MySpace et Deezer. En quelques clics, la musique la plus pointue s’en est trouvée démocratisée. Une sacrée révolution, assurément, qui, si elle bouleverse la donne du marché du disque et l’oblige à se réinventer, ne signifie pas pour autant la mort de la musique. Bien, au contraire. En Grande-Bretagne, les sommes générées par la vente de tickets de concert viennent de dépasser celles de la vente de disques.

Des librairies en réseau Si le monde de l’édition se porte mieux que celui de la musique, il n’en demeure pas moins fragile. L’arrivée sur le marché des tablettes de lectures numériques et le détachement croissant de la nouvelle génération pour la lecture pèsent sur les frèles épaules des libraires indés. Dans la région, ils ne seraient plus qu’un millier, à peine. Pour les aider et préserver les commerces culturels dans la capitale, la mairie de Paris n’a pas hésité à racheter des locaux pour favoriser l’installation de nouveaux venus, et le conseil régional à les exonérer d’impôts locaux. « Si il y a toujours autant de librairies, comparé aux disquaires qui pour beaucoup ont été balayés, c’est grâce à la loi Lang de 1981. Le prix unique du livre, c’est 90 % des raisons pour lesquels nous sommes encore là », nous explique Valéry, patron de la librairie-galerie La Comète de Carthage. Pratiquement tous les libraires tiennent peu ou prou le même discours : la loi Lang, qui met sur un pied d’égalité librairies indépendants et grande distribution, a sauvé la profession. « Bien sûr, le fait que les libraires soient passionnés et compétents, et peut-être plus disponibles que dans les grandes surfaces, compte aussi », ajoute Valéry qui avoue ne pas compter ses heures de travail. Passionné de bandes dessinées, il a créé La Comète de Carthage en 1997 en même temps que sa petite maison d’édition. Avant, il était déjà responsable d’une librairie. « Ma situation est un peu plus compliquée depuis deux ans. Dans ce métier, rien n’est jamais acquis. On ne peut pas tenir une librairie et espérer se filer un salaire de 3 000 euros par mois, on privilégie le réinvestissement en permanence. » Arrive alors la question du numérique : « Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Le numérique, c’est inéluctable, mais pour l’instant je suis trop petit et pas équipé. De toute façon, l’objet ne disparaîtra jamais, la radio n’a pas disparu à cause de la télé, de même que la photo n’a pas fait disparaître la peinture. En plus, il y a le rapport à l’objet livre qui est fort, particulièrement pour le livre d’art, la BD, le livre d’images en général. C’est un rapport presque sensuel. » De l’autre côté de la Seine, au coeur du 20e arrondissement, l’impressionnante librairie généraliste Le Comptoir des mots, si elle n’en est pas encore à parler d’e-books, a décidé d’utiliser internet en sa faveur. Parce que l’union fait la force, la boutique a créé avec huit autres librairies de l’Est parisien le réseau Librest qui leur a permis, en mutualisant leurs moyens, de créer un site qui propose aux lecteurs d’accéder à l’ensemble du stock des neuf lieux, de réserver en ligne et de venir retirer leurs commandes ou de se les faire livrer en vélo sur Paris. Nathalie Lacroix, codirectrice du lieu : « L’avenir de la librairie indépendante réside, à nos yeux, dans sa capacité à sélectionner les ouvrages, à assurer un rôle de conseil, à proposer des livres que l’on ne trouve pas partout et à être un lieu de vie et de rencontres dans nos quartiers. L’internet et le numérique ne remplaceront jamais le contact avec un libraire en chair et en os, ni le fait d’avoir une librairie à proximité de son domicile. » On ne saurait mieux dire.

Communiqué de presse de durand |Proposé le 23 novembre 2010 |Commenter...

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