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Madame Grès, la couture à l’oeuvre : Expo Paris

Des têtes couronnées aux stars d’Hollywood en passant par le Tout-Paris, Madame Grès fut la couturière des grands de ce monde, traversant cinquante ans de mode avec un style intemporel et très personnel. Celle qui fit siens les drapés antiques, la seule aussi peut-être qui réussit à créer des tenues aussi minimalistes que sexy bien avant l’heure, reste à jamais la personnalité la plus secrète de la mode. Une rétrospective originale lui rend hommage.  Elle voulait être sculptrice, elle aura été l’une des couturières françaises les plus respectées dans le monde. Les Anglo-Saxons l’avaient surnommée “the designer of the designers” (“la créatrice des créateurs”), une expression qui à elle seule dit combien Madame Grès a été et est toujours source d’inspiration pour les plus grands, Yves Saint Laurent en tête qui toute sa vie lui a voué une très grande admiration. Azzedine Alaïa et Dominique Sirop, pour ne citer qu’eux, collectionnent ses robes et ont d’ailleurs prêté quelques-unes de leurs pièces rares au musée Galliera. Dans l’exposition “Madame Grès, la couture à l’oeuvre”, on redécouvre cinquante ans d’un style fort et intemporel, avec ces fabuleuses robes drapées à l’antique, comme moulées sur le corps, qui ont traversé les décennies, des années 30 aux années 80 sans un faux pli. Mais le style Madame Grès, c’est aussi l’avant-garde du minimalisme dès les années 50, avec des tailleurs et des robes aux coupes strictes, et, toujours, une touche de sensualité pour contrebalancer. C’est un juste hommage qui est rendu aujourd’hui à celle qui se sera toujours effacée derrière ses créations, qui détestait parler d’elle, qui n’accorda du coup que de très rares interviews, probablement difficiles à mener, tant la dame avait la réputation d’être mutique. Edmonde Charles-Roux, grande journaliste et femme de lettres, définit ainsi la couturière comme « la femme la plus secrète, la plus silencieuse et la plus déterminée du monde ». On retiendra surtout une existence consacrée à son art, car il s’agit bien de cela, d’une idée de la couture qui n’existe plus aujourd’hui tant son exigence était extrême. Travailleuse acharnée, Madame Grès a été tout au long de sa vie en quête de la perfection. Pour la première fois, près de quinze ans après sa mort, une rétrospective lui est consacrée à Paris. Le résultat est particulièrement réussi. L’idée de monter cette exposition hors les murs du musée Galliera qui en est pourtant à l’initiative, pour choisir ceux du musée Antoine Bourdelle, était excellente, car elle permet de découvrir un décor aussi magnifique qu’inattendu. Une scénographie des plus majestueuses pour ces robes que la dame imaginait finalement comme des sculptures de corps. Les statues monumentales de Bourdelle face aux drapés parfaits de Grès, la confrontation de la pierre et du tissu fonctionne à merveille et nous plonge dans le nerf de sa recherche perpétuelle. Sûrement parce qu’elle était très avare en commentaires, une de ses rares déclarations est restée gravée dans les mémoires : « Je voulais être sculpteur. Pour moi, c’est la même chose de travailler le tissu ou la pierre. » Des robes face aux statues « Elle n’a jamais mis de barrière entre la sculpture et la mode, et considérait le vêtement comme une sculpture molle », explique Laurent Cotta, l’un des trois commissaires de l’exposition, chargé de la création contemporaine au musée Galliera. Outre les oeuvres de Bourdelle qui constituent le décor, les mannequins sur lesquels les robes sont exposées ont été installés sur des sellettes en bois de différentes tailles, ces tablettes qui servent habituellement de socle aux sculptures. Quand une série de robes tout en monochrome ivoire se retrouve entourée de statues, la vision est d’une rare beauté. Si l’exposition a envahi tout le musée, deux pièces rendent les créations de la couturière encore plus surprenantes dans l’intimité de Bourdelle. Tout d’abord, dans son atelier. Deux vitrines face à face. Les boiseries et la lumière particulière qui règne dans cette pièce forment un bel écrin pour la robe du soir drapée orange feu appartenant à Dominique Sirop, datant de 1976. Il fallait aussi oser, dans la chambre du sculpteur, placer en vis-à-vis l’immense crucifix qui y trône et cette longue robe noire monacale impeccable d’austérité et de sensualité, haut perchée sur sa sellette de bois… Il ne faudra pas non plus rater la série de croquis de Madame Grès, un don de Pierre Bergé au musée Galliera. Son ancienne propriétaire ayant décidé de s’en séparer, c’est in extremis que l’homme d’affaires les acquit. Pierre Bergé connaissant l’admiration éperdue d’Yves Saint Laurent pour Madame Grès, qu’il partageait d’ailleurs. La dame au turban (qu’elle ne quittait jamais) était autodidacte. Elle aurait appris les bases de la couture en trois mois auprès d’une première d’atelier. Et parce qu’elle ignorait les “codes” et les techniques strictes de la couture à proprement parler, elle inventa les siens, avec ses fameux plissés à plat, ce qui fera son style si unique. Ellemême en avait pleinement conscience : « Je ne connaissais pas le métier. Coudre, couper. L’ignorance est quelque chose de très important… Elle a la pureté de l’innocence. Elle vous mène à tenter des choses que les autres n’oseraient pas essayer. » Dès 1933, Germaine Krebs est déjà connue sous le nom de Mademoiselle Alix et sa grammaire stylistique est déjà en place. Dans les années 30, l’esthétique antique est en vogue, et cela lui sera extrêmement profitable. En 1935, elle crée ainsi les costumes pour la pièce “La Guerre de Troie n’aura pas lieu” de Jean Giraudoux : c’est la consécration dans le magazine “Vogue”, et surtout les commandes pleuvent, les femmes veulent ces robes qui vont les transformer en déesses. Une disparition très discrète Elle habille dès lors le Tout-Paris comme le gotha international. Avec elle, le vêtement n’est jamais contraignant ; bien au contraire, la fluidité et l’apparente simplicité doivent régner. D’ailleurs, le jersey est sa matière de prédilection. Il y a aussi beaucoup de sensualité dans ses créations. Que ce soit un décolleté profond dans le dos, un buste tressé-drapé, la façon dont le corps est moulé ou juste les doublures taillées dans des tissus très doux. Le plaisir de porter doit primer. Mais pourquoi mademoiselle Alix se transforme- t-elle en Madame Grès quand elle ouvre sa propre maison de couture ? “Grès” est en fait le quasi-anagramme du prénom de son mari Serge dont elle était éperdument amoureuse ; la signature que lui-même utilisait, puisqu’il était peintre. Ce dernier aurait très mal pris cet “emprunt”. Peu de temps après, trouvant la passion dévorante de la couturière trop étouffante, il la quitte et part pour Tahiti. Elle ne le reverra jamais, et cette séparation fut l’un des épisodes les plus douloureux de sa vie. Peut-être même ne s’en est-elle jamais remise. Pour Laurent Cotta, « c’est à ce moment qu’elle se consacra uniquement à son travail. C’est flagrant, il y a un avant et un après-Serge ». Après ce drame personnel, il n’y aura plus rien d’autre que la création, et on ne lui prête que de très rares amitiés. Balenciaga et la duchesse d’Orléans font partie des proches, mais Madame Grès n’a en réalité aucune vie sociale. Ala fin des années 70, la haute couture est déjà en perte de vitesse. Sa maison, qui connaît les pires difficultés, est rachetée en 1984 par Bernard Tapie qui veut développer le prêt-à-porter. Cela se passe très mal entre eux, et finalement c’est la liquidation. La discrétion de la grande dame fait que petit à petit, au crépuscule de sa vie, elle va disparaître et se détacher du milieu de la mode. Elle mourra seule dans sa maison de retraite, sans que personne dans la profession ne l’apprenne. Sa disparition ne sera révélée qu’un an plus tard par le quotidien “Le Monde”. Une volonté de sa fille, qui dit avoir agi pour protéger sa mère. Cette dernière était peut-être dure et austère, mais capable également de grands élans du coeur et de beaucoup de générosité, trop même. Les discrets partent toujours sans éclats. On le regrette vivement quand on parvient au terme de cette belle exposition qui fait parfaitement honneur à cette grande dame.

Communiqué de presse de aabulgarForeva |Proposé le 28 mars 2011 |Commenter...

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